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-"Accroche-toi, Charlie !" s'exclama le Capitaine depuis les ponts. "C'en en est une grosse ce coup-ci !"

-"Aïe aïe aïe Capitaine !" Le jeune garçon sourit, haussa les épaules et s'assura que sa prise était solide. Il regarda l'étoile au loin et elle ne semblait pas encore plus grande que les autres tout autour. Il plissa ses yeux bleus et poussa sur le côté une mèche de long cheveux blonds, essayant d'y voir plus clair. Elle devenait de plus en plus lumineuse à chaque seconde. Ça n'a pas l'air si gros, pensa-t-il.

Soudainement il fut aveuglé par un flash lumineux alors qu'ils pénétraient le champ gravitationnel de l'étoile la plus proche, ce qui secoua tout le vaisseau, faisant presque perdre l'équilibre au garçon. Le contre-balancement du vaisseau fut tout aussi violent et il envoya valser le jeune garçon. La ligne de vie accrochée à sa taille était tout ce qui le retenait d'être expulsé dans l'espace alors que les générateurs de gravité du vaisseau avaient été arrêtés par l'onde de choc (comme d'habitude, ils ne pouvaient pas fonctionner à de telles vitesses dans ce genre de champ gravitationnel) et ils avaient besoin de temps pour se recalibrer.

Ils franchirent aussitôt la portée de l'étoile et le garçon tomba au sol avec un bruit sourd alors que les générateurs de gravité se remettaient en marche.

-"Est-ce que tout va bien, Charlie ?" demanda le capitaine alors qu'il venait à lui et lui offrait sa main, l'aidant à se relever. Le garçon avait un sourire radieux sur son visage.

-"C'était trop bien père ! Est-ce qu'on peut le refaire ?!"

-"Tu ne devrais pas jouer à risquer ta vie, Charlie." dit le Capitaine d'une voix terne. "Et souviens-toi que quand on est sur le vaisseau tu dois t'adresser à moi par mon rang."

-"Je suis désolé, Capitaine." répondit le garçon, baissant la tête avec honte. Le Capitaine le regarda avec une expression sérieuse pendant quelques secondes puis sourit et frotta les cheveux du garçon avec sa main.

-"Il faudra qu'on y repasse pour le retour, tu sais ?"

Le garçon sourit alors que le père le prenait dans ses bras et ils se dirigèrent tous les deux vers la poupe.

La mère de l'enfant était morte en lui donnant naissance, le laissant seul avec son père qui était sans autre terme un homme extraordinaire. Il était Sir George Starwind, Capitaine de l'Orcha et Commandant de la Flotte Silitar, aimé et respecté de tout l'Empire Colonial. Il avait même eu l'honneur de rencontrer le dernier Roi Aerthur le Juste dans le Palais d'Highland plusieurs fois, et ce Roi adorait entendre les récits des aventures de Sir Starwind. Les Highlanders étaient la première civilisation à avoir découvert le voyage interstellaire et chaque nouvelle colonie qui intégrait l'Empire Colonial offrait ses troupes et vaisseaux à l'énorme et toujours grandissante Flotte Royale. Une de ces colonies était Silshire, foyer de la famille Starwind qui, unie avec l'Empire Colonial durant le règne du Roi Aerthur le Juste et de Sir Starwind, Commandant de la Flotte Silitar, avait renforcé la Flotte Royale de son propre drapeau. À cause des anciennes traditions de recherches et escapades marines, Sir Starwind fut demandé par la Couronne pour localiser et rallier tous les nouveaux mondes à l'Empire. Les temps étaient si bons et même si l'allégeance à l'Empire s'accompagnait de taxes élevées, tous les mondes avaient été plus que d'accord pour sa rallier à la Couronne. Le dernier Roi était connu pour être juste et honnête et les nouvelles opportunités de commerce remboursaient à elles seules les taxes. L'Empire apportait avec lui la culture et la technologie, ce qui faisait prospérer les nouvelles colonies.

Après le décès de sa femme, Starwind avait vendu le manoir Starwind, même si il avait été dans la famille depuis des générations, car il lui rappelait trop la perte de sa bien aimée. Le vaisseau était devenu leur maison et le garçon accompagnait son père durant ses voyages dans le multivers. Ça ne dérangeait pas Charles. Lorsque son père dirigeait son attention aux tâches assignées, le garçon avait ses propres machines, se déplaçant avec l'habilité d'un animal ou bien jouant le capitaine en lançant des ordres à l'équipage comme charger les canons ou prêt à aborder, et les hommes jouaient avec lui, laissant libre cours aux fantasmes du jeune garçon. Même son père n'était pas embêté par ses jeux, en partie car l'esprit joyeux du garçon remontait toujours le moral de l'équipage, mais aussi parce qu'il voulait que son fils ait une éducation correcte. Il avait employé d'innombrables hommes ces dernières années pour essayer de captiver l'attention du jeune garçon mais sans résultat. Même si il s'en sortait très bien à tous les tests, il s'ennuyait vite et devenait malicieux, allant jusqu'à faire des blagues aux professeurs ou à s'embrouiller avec eux et ils abandonnaient vite. Son père était heureux de voir que Charles portait un intérêt certain aux engins à bord, car il s'asseyait souvent et les regardait juste fonctionner. Il prenait aussi des livres et son père avait donc décidé de stocker des tonnes de livres dans la bibliothèque à bord. Chacun voyait que le garçon avait un cerveau développé mais son intérêt se rapprochait toujours plus des hommes et aventures que de l'académie. Le jeune Charles voulait apparemment faire comme son père.

-"Il y a quelque chose d'important que vous devez voir, Capitaine." dit le garçon avec impatience alors qu'il prit de l'avance sur son père vers la cabine, se dirigeant directement dans ses propres quartiers. Il en sortit quelques minutes plus tard avec ce qui semblait être un petit oiseau de métal dans les mains.

-"Je l'ai construit moi-même ! Il ressemble à un oiseau, je sais, mais c'est vraiment une machine ! Tu vois ?" Il tint l'oiseau devant le visage de son père. "C'est basé sur des schémas et croquis que j'ai eu des gens qu'on a rencontré sur Perk 2k3, et il a un radar et des jumelles et un décapsuleur et..." Charles pouvait voir que son père était juste en train d'hocher la tête par automatisme, probablement plus concentré sur les tâches qui l'attendaient. "C'est un aviateur mécanique poli-fonctionnel" continua Charles, "mais je l'appelle juste Poli."

-"C'est très malin, Charlie." dit son père en souriant alors qu'une lumière rouge clignota, signalant un appel entrant de la commande centrale. Le garçon n'eut pas plus besoin que d'un regard de son père pour comprendre que c'était important et qu'il devait se taire.

-"C'est le Capitaine... Oui, Sir... Oui, Sir... On vient juste de la passer, Sir..." Répondait son père avec ce même sourire sur son visage, mais son expression devint soudainement plus sérieuse. "Oui, Sir... Je ferai mon rapport lorsque ce sera terminé, Sir." Il appuya sur un bouton qui fit disparaître la lumière rouge et il regarda son fils mais ne dit rien. À la place il se leva et donna l'ordre aux pilotes de modifier l'itinéraire.

Ils saccostèrent quelques jours plus tard sur un monde désolé et cette fois, à la plus grande déception de Charlie, il ne fut pas autorisé à descendre, ce qui n'était auparavant jamais arrivé. Son père lui avait à peine parlé durant ces derniers jours et il avait pris avec lui une escouade d'hommes lourdement armés alors qu'il s'en allait parler au gouverneur de ces très clairement pauvres gens.

Plus tard dans la journée, le convoi revint et Charles pouvait voir qu'il n'y avait eu aucun combat mais l'expression de son père était tellement sérieuse. Il marcha à côté de son fils sans le regarder mais en frottant rapidement ses cheveux, puis se retira dans ses quartiers. Il y avait anguille sous roche. La curiosité finit par battre Charlie et même si il savait qu'il ne devait pas, il ne put résister. Il se faufila dans un conduit de ventilation qu'il connaissait d'expérience et écouta silencieusement. Son père communiquait avec la commande centrale.

-"C'est le Capitaine... Oui, Sir... Nous l'avons fait, Sir." Sa voix était sans émotion. "Sir, ils n'ont rien à donner. Après la tempête de soleil qui les a frappé l'année dernière ils n'ont presque pas réussi à faire pousser de graines. Ils peuvent à peine nourrir leurs propres enfants... Je comprends, Sir..." C'est au bout de quelques secondes d'écoute que Charles se rendit compte que son père parlait en serrant les dents, commençant clairement à s'énerver. "Je connais mes devoirs, Sir !"

Ce n'est pas bon, conclut Charlie. Il n'avait encore jamais entendu son père s'énerver comme ça. Pas une seule fois. Après une très longue pause, la conversation prit un nouveau tournant.

-"C'est le Cap-... Votre Majesté ?" Le père de Charles s'arrêta, clairement étonné par l'intervention du Roi Henry lui-même. Le dernier Roi Aerthur le Juste avait deux enfants. Des jumeaux en fait. Edward était le premier né et héritier du trône mais il mourut dans de mystérieuses conditions lors d'un accident de chasse il y a quelques années. La perte de son enfant favori ne cacha pas le mécontentement qu'avait le Roi Aerthur envers son fils Henry qui n'avait montré aucun sens de justice, d'honneur ou même de capacité à régner et cela fut trop pour le vieil homme, il fut donc emporté par l'Emprise de Greta, laissant Henry en seul héritier. Sir Starwind avait juré allégeance au nouveau Roi, comme tous les autres, mais ils savaient tous les deux depuis le début qu'ils ne s'aimaient ni l'un ni l'autre. "Mon Roi, je ne... Ce sont des gens innocents, mon Roi ! Non... Je ne peux pas vous laisser faire ça... Alors qu'il en soit ainsi !"

Alors que ces mots durs terminaient la conversation, Charles s'en alla vite et alla s'asseoir à son bureau alors qu'il entendait son père approcher de sa chambre.

-"Qu'est-ce qui ne va pas, Capitaine ?" demanda Charles, en essayant de cacher le fait qu'il ait entendu toute la conversation.

-"Appelle-moi papa, Charlie." répondit-il, puis il s'arrêta pour réfléchir au meilleur moyen d'agencer ce qu'il voulait dire. "Tu sais, je t'ai toujours dit que les devoirs d'un homme doivent être prioritaires ? Tous les hommes ont des devoirs, et parfois certains devoirs sont en conflits les uns avec les autres, ce qui t'oblige à faire un choix. Quand ça arrive, c'est dans ces moments que tu décides quel genre d'homme tu es."

Charles regarda son père, pas sûr de comprendre ce qu'il essayait de lui dire. Son père s'en rendait compte, alors il continua.

-"J'ai fait un de ces choix aujourd'hui, mon fils, et maintenant il va falloir que je me débrouille avec les conséquences que ça va engendrer. Je n'ai jamais voulu que ça arrive, mais..." Il prit une grande inspiration et se donna du courage. "Fils, je ne peux pas te prendre avec moi."

 

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