Vous savez un rêve, ce n’est jamais qu’une idée vague de
ce que l’on veut et de ce que l’on est ou n’est pas. O vague, vague, vague, ce
mot me semble en lui-même plus parlant que milles images, s’agit-il des vagues,
petites et grandes, que vous avez affronté en allant à la plage, ou de la vague
étendue d’eau qui se cachait derrière, dont vous n’avez déjà qu’un souvenir
vague ?
C’est qu’on peut vaguement se définir vous savez ? Vous
ne me croyez pas ! Je vais donc le faire. Je suis ce qu’on peut appeler,
sans aucune fausse modestie, un quasi mâle alpha. Je suis grand, très grand
même, et sec en plus de ça. Pas un seul gramme de gras, vous pouvez
chercher ! Je sue sang et eau pour entretenir ma musculature optimale, et
mes cinquante kilos de pur male. Mes cheveux longs me donnent un air de
guerrier spartiate et un charisme digne du grand et valeureux Léonidas. A ma
naissance, tous les prestigieux prénoms affluaient pour me qualifier, et je
choisis Etoile. O une étoile, ce n’est jamais qu’une série de vagues d’énergie,
qui illuminent des formes de vies inférieures.
J’ai beau être sur cette terre, je ne suis pas avec vous.
Je ne suis pas non plus à vos côtés, je suis, peut-être, au dessus de vous, et
je m’ennuis. Je sais, c’est vague, mais pour vous comprendre, je dois trouver
ma nébuleuse. Je la cherche, j’écume, je l’ai cherché. Elle est là, elle est
comme la lune, ou la lune est comme elle. Elle est gigantesque, beaucoup plus
que vous, c’est normal, et beaucoup plus que moi. Je la veux, elle me veut, on
se veut. Là encore, c’est vague, je lui explique mon dessein, pas besoin de vous
faire un dessin. C’est pas que je veux lui faire du rentre dedans, je veux lui
rentrer dedans. Elle m’apprivoise et je la toise, on va conclure. Cette fois,
c’est clair, elle se dessape, et je vois apparaître la forêt primordiale noire.
C’est que c’est dense une forêt originelle, et sauvage, et haut. Très haut,
trop haut. Mais la jungle, moi je m’en fous, je vise autre chose. Elle m’a
compris, m’attrape avec deux doigts et me rapproche de mon but, l’origine du
monde.
L’origine du monde ? C’est deux escalopes qui
pendouillent qui s’unissent, s’enlacent, se collent. Quand je dis coller, je
veux dire coller. De son autre main, la lune tente de séparer les deux
escalopes. Elle insiste, elle a du mal, elle me dit que c’est normal. Je
regarde, mais, quoi dire ? C’est pas que j’adhère, mais elle, oui. Ah, je
sais, je dis « sésame ouvre-toi » et vous savez quoi ? ça
marche. Ca a enfin l’air de se décoller, de se déformer, de s’ouvrir. Pas le
temps de contempler, elle m’y dépose. J’y suis. Ca y est, j’y suis. Je voudrais
bien sauter de joie sur place, mais ça veut pas. Je suis collé, impossible de
me relever, mes cinq membres passent sur sa peau.
Quand je disais, c’est vague, j’aurais dû dire, je sens
l’odeur des vagues. Ca pue, mais ça pue, je voudrais bien me pincer le nez,
mais mes mains sont collées. J’ai envie de sortir, je lui demande, elle ricane.
Pensez pas que je chicane, ça sent comme un port de pêche. Je veux partir, je
le hurle, mais pas de réponse. Je panique, j’exige de partir, où est la
sortie ? Je regarde partout autour de moi, je vois des taches blanches et
ça sent bizarre. Sauvez moi.